Tu ne te sens pas un peu coupable que la chimio se passe bien? Moi ça me ferait presque ça. 2è cure cette semaine (de 5j quand même donc 2è jour aujourd'hui) et pas de nausées juste une grande fatigue. Les 2 semaines après la 1ère cure se sont bien passées aussi : mal au bide 3j en incluant les 2 de chimio, et des douleurs bizarres la semaine dernière que j'attribuerais bien aux piqûres de Granocyte ("douleurs osseuses" qui font bien mal). Donc oui, je suis presque un peu gênée que ça se passe bien. Enfin quoique parce que là ce soir faut que je me décide pour dire Adieu à mes cheveux (je suis passée de mi-long à Jean Seberg en brune dans "à bout de souffle" quand on m'a annoncé le traitement). Je pense bien aux articles que tu as fait sur ce sujet, d'ailleurs ceux-là ils ne m'aident pas trop... Heureusement dans cette épreuve j'ai trouvé une copine qui s'est proposée pour tenir la tondeuse. Ma maman a juste fini les ourlets des foulards et j'ai un chapeau d'une petite créatrice. Je suis parée. Il me manque juste ... ce qu'il t'a manqué quand tu t'es trouvé tout con torse nu dans ta salle de bain... Comment as-tu fait au final?
Nathalie
Lorsqu’on m’a annoncé ma maladie, et mon traitement, j’ai joué au gros dur. « La chute des cheveux ? Rien a battre, si ça permet de me guérir. » Cette attitude faisait partie de mon petit jeu, à savoir apparaître le plus solide possible pour rassurer mon entourage. La désinvolture était de rigueur, je ne devais pas montrer une image faible de moi, mes proches étaient déjà bien assez affectés comme ça.
Et puis quand les cheveux ont commencé à réellement tomber, là, ça été un choc. Un matin je me suis réveillé, et je me suis aperçu qu’il y en avait plein sur mon oreiller. C’était la première vraie manifestation de mon traitement. Jusqu’alors, j’avais eu à peine quelques nausées, un peu de fatigue, mais rien de très grave.
Petit à petit, ma chevelure s’est clairsemée. Je les ai alors coupés de plus en plus court, jusqu’au dernier sabot de ma tondeuse (3mm.) Mais, comme je le racontais dans un article de décembre, je n’arrivais pas à me résoudre à tout enlever. Esthétiquement, ça aurait été bien mieux. Mais je pense qu’inconsciemment, me raser les cheveux constituait une bataille de plus gagnée par la maladie sur moi-même. D’où ces scènes décrites où je me retrouve torse nu devant la glace sans pouvoir me résoudre à tout enlever. Et puis il y a un mois environ, sur un coup de tête, lors d’une insomnie, j’ai pris mon rasoir et hop ! Me voilà à deux heures du matin devant la glace, entrain d’enlever les trois poils me restant sur le caillou. C’était vraiment sur un coup de tête (on applaudit le jeu de mots s’il vous plaît), mais un coup de tête dont je ne suis pas déçu.
Bien sûr, je suis conscient d’avoir fait ma chochotte. Se raser les cheveux, pour un garçon, n’a rien d’exceptionnel. Pourtant, je ne sais pourquoi, j’ai ressenti très fortement le regard des autres dans la rue après cet épisode. Il a recommencé à faire beau, le bonnet n’était donc plus de rigueur. J’ai alors eu l’impression, pendant quelques temps, d’être le point de convergence de tous les regards. Bon, c’est vrai que j’ai une tête un peu bizarre, car mes sourcils ont aussi pris un coup (et en plus ils sont blonds), mais je crois que j’ai aussi été parfois parano sur ce coup.
Je crois comprendre ce que tu peux ressentir en tant que femme qui doit se raser la tête. C’est clair, ça attire le regard. Ça choque. Mais au-delà du regard des autres, je crois que le travail viendra d’abord de toi. T’accepter comme ça, avec les cheveux rasés, et peut-être sans sourcils. Ça ne correspond pas à tes critères de beauté, et peut-être même que tu étais choquée, avant ta maladie, lorsque tu voyais une fille chauve. « Choquée » ici est à prendre dans le sens « frappée », « interpellée » et non « horrifiée » ou « dégoûtée ». Ce sont tes propres bases qui s’effondrent, tu vas peut-être te trouver moche dans un premier temps, car ne correspondant plus à tes propres critères de beauté. Personnellement, après quelques jours, je n’ai plus ressenti du tout le regard des autres. Pourquoi ? Parce que je m’étais moi-même habitué à me voir sans cheveux. Je m’étais habitué, lorsque je passais ma main sur ma tête, à ne rien sentir. Maintenant, j’en tire même une réelle force. J’ai l’impression d’avoir quelque chose que les autres n’ont pas, et qui me fait avancer, progresser. Qui me renforce aussi, qui me blinde. J’ai l’impression, en fin de compte, de me libérer, de me désinhiber.
Cette maladie a cassé bon nombre de mes certitudes, mais ne m’a pas détruit, au contraire. Elle me donne confiance en moi, en ce que je veux être.